- Théophile GAUTIER (1811-1872)
Un oiseau siffle dans les branches
Et sautille gai, plein d'espoir,
Sur les herbes, de givre blanches,
En bottes jaunes, en frac noir.
C'est un merle, chanteur crédule,
Ignorant du calendrier,
Qui rêve soleil, et module
L'hymne d'avril en février.
Pourtant il vente, il pleut à verse ;
L'Arve jaunit le Rhône bleu,
Et le salon, tendu de perse,
Tient tous ses hôtes près du feu.
Les monts sur l'épaule ont l'hermine,
Comme des magistrats siégeant.
Leur blanc tribunal examine
Un cas d'hiver se prolongeant.
Lustrant son aile qu'il essuie,
L'oiseau persiste en sa chanson,
Malgré neige, brouillard et pluie,
Il croit à la jeune saison.
Il gronde l'aube paresseuse
De rester au lit si longtemps
Et, gourmandant la fleur frileuse,
Met en demeure le printemps.
Il voit le jour derrière l'ombre,
Tel un croyant, dans le saint lieu,
L'autel désert, sous la nef sombre,
Avec sa foi voit toujours Dieu.
A la nature il se confie,
Car son instinct pressent la loi.
Qui rit de ta philosophie,
Beau merle, est moins sage que toi !
- Jean RICHEPIN (1849-1926)
Merle, merle, joyeux merle,
Ton bec jaune est une fleur,
Ton oeil noir est une perle,
Merle, merle, oiseau siffleur.
Hier tu vins dans ce chêne,
Parce qu'hier il a plu.
Reste, reste dans la plaine.
Pluie ou vent vaut mieux que glu.
Hier vint dans le bocage
Le petit vaurien d'Éloi
Qui voudrait te mettre en cage.
Prends garde, prends garde à toi !
Il va t'attraper peut-être.
Iras-tu dans sa maison,
Prisonnier à sa fenêtre,
Chanter pour lui ta chanson ?
Mais tandis que je m'indigne,
Ô merle, merle goulu,
Tu mords à ses grains de vigne,
Ses grains de vigne à la glu.
Voici que ton aile est prise,
Voici le petit Éloi !
Siffle, siffle ta bêtise,
Dans ta prison siffle-toi !
Adieu, merle, joyeux merle,
Dont le bec jaune est en fleur,
Dont l'oeil noir est une perle,
Merle, merle, oiseau siffleur.
Mais ,non , pas adieu joli merle , ta merlette
t'attend sous le sapin , rejoins-la vite !
Je vous souhaite une belle journée
baignée de chants d'oiseaux !